LES EXPOSITIONS D’ART
CONTEMPORAIN ET LE PUBLIC Comparé aux Salons du XIXème siècle qui, en France, attiraient des milliers de visiteurs, les manifestations d’art contemporain ont une fréquentation pour le moins modeste. Ainsi, le Magasin à Grenoble enregistre environ 800 visiteurs par an avec un coût pour chaque exposition (122.000 €) pourtant quatre fois supérieur à la moyenne nationale. Le Centre d’Art de Villeurbanne, qui désormais à changé de nom, ne compte quant à lui qu’une vingtaine d’entrées quotidiennes, ce qui le situe néanmoins bien au-dessus de la moyenne de fréquentation des Centres d’Art et des espaces FRAC. Seule, la Foire d’Art Contemporain de Paris (FIAC) avec ses 50.000 curieux, qui se déplacent pour voir à quoi ressemble actuellement une oeuvre d’art, peut se targuer d’un score plus honorable (1). En regard du siècle dernier, la baisse et le manque d’intérêt de la part du public est difficilement contestable et semble bien plaider pour l’idée énoncée en faveur de la peinture. Les pôles d’attraction se sont multipliés et déplacés ailleurs. Aujourd’hui, la personne qui se passionne pour l’image, les formes, la couleur a toutes les chances de sortir frustrée d’une visite d’exposition d’art contemporain (d’avant-garde) d’où la peinture sera sûrement absente. Ce public d’amateurs potentiels, en faisant abstraction bien entendu de celui qui ignore l’existence même de ce type d’art, a fini par se détourner de ces lieux institutionnels. Déçu par une avant-garde qui l’ennuie, il s’est tourné vers une pratique personnelle de la photographie, de la vidéo, qui sont d’ailleurs en passe de devenir le véritable art populaire de notre époque et ne se déplace plus guère que lors des expositions rétrospectives consacrées aux grands peintres classiques. Néanmoins il semble bien que les pouvoirs publics, en encourageant presque exclusivement les tendances conceptuelles et minimalises, portent une part de responsabilité dans cette indifférence du public (2). En effet, pour suivre le raisonnement de Jean Clair (3), « il n’est pas surprenant que personne ne comprenne la signification d’une oeuvre minimaliste comme un tas de charbon dans une salle de musée. Cela ne relève ni du domaine du savoir, ni du domaine esthétique, ni de la délectation au sens où Poussin l’entendait ». Jean Clair rapporte également « qu’il n’est pas rare que des fonctionnaires de la culture ou des élus pratiquent le double langage : siégeant dans des commissions d’achat à défendre et à faire acheter des oeuvres prétendues d’avant-garde, tout en achetant autre chose pour leurs murs. » Jean Clair constate par ailleurs qu’il y a un art d’état et un art que l’on achète pour soi, il pense de toute façon que les grandes collections des musées du XXIème siècle seront constituées de donations ou de dations de collectionneurs privés. Selon lui, il serait bien plus intelligent et fructueux pour l’Etat d’encourager les collectionneurs par une politique de libéralité fiscale, plutôt que de dépenser des millions à acheter des oeuvres à partir de critères fatalement arbitraires.
1) Durant le XIXe, le Salon devient un divertissement très
couru, gratuit le dimanche. En 1884, on compte 238.000 visiteurs, en 1887,
562.000. 2) En 1986, le Ministre de la Culture décide d'officialiser les Centres d'Art. Leur vocation est l'expérimentation la plus
libre, leur inscription est par définition internationale comme la recherche
scientifique. Ces Centres sont à l'opposé des musées et n'ont pas vocation à conserver
les ooeuvres mais à encourager leur production. 3) Jean Clair est né en 1940. Il a étudié l'histoire de l'Art à Harward. Nommé en 1970 conservateur au Musée d'Art Moderne du Centre Pompidou, il est commissaire des expositions : Duchamp, les Réalismes, Vienne. Lors de la biennale de Venise en 1995, il a présenté une grande exposition centrée sur le corps au travers d'un siècle d'oeuvres et il a mis un terme à la manifestation Aperto (réservée aux jeunes avant-gardes) créée en 1980. |
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