A L’AUBE DES GRANDES
MUTATIONS Chaque époque apporte sa différence et sa contribution à l’histoire de l’art. On voit ainsi se succéder des périodes qui conduisent au romantisme, au réalisme, au symbolisme, avec parfois des retours passagers vers d’anciennes références comme la rigueur classique ; l’art vit de contrastes, d’oppositions, mais aussi d’affirmations et de certitudes temporaires. Lorsqu’une forme d’expression croit avoir épuisé toutes les ressources dans une direction donnée et dans la mesure où cela demeure possible, il lui reste encore l’alternative pour survivre de s’orienter vers une voie nouvelle. L’expressionnisme
fait partie de ces changements novateurs qui ont bouleversé les habitudes de
perception du monde sensible. Les expressionnistes critiquent en particulier
l’impressionnisme et le symbolisme qu’ils jugent mièvres et trop dépourvus de
réalité sociale. On peut même dire de ce courant qu’il entend exprimer avec force
et exubérance de couleur le drame humain dans ce qu’il comporte de plus violent
et de plus pathétique. Son extraordinaire extension en Allemagne résulte sans
aucun doute de l'instabilité politique du pays, mais aussi du désarroi et des malheurs matériels et moraux engendrés par la
première guerre mondiale. C'est après ce conflit, que l’expressionnisme se manifeste sous
les aspects les plus aptes à rendre la violence et l’angoisse à l’état
pur : le théâtre, le cinéma et la peinture. En 1903, quelques peintres allemands de même sensibilité fondent « die Brücke » (le Pont). Ce groupe, durant ses dix années d’activité, ouvre la période la plus riche de l’expressionnisme avec des oeuvres caractéristiques où la forme et la passion éclatent littéralement. La saturation des couleurs, la touche brutale, la puissance dramatique répandues sur tout le tableau, témoignent de l’originalité et de la puissance du mouvement. (1) L’expressionnisme,
notamment dans sa liberté de création, a sans nul doute contribué à rendre
possible bien des manifestations extrêmes de l’esthétique d’aujourd’hui.
1) Cf. Marcel Brion : La peinture moderne, de l'impressionnisme à l'art abstrait. Edition du Félin. |
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