QUELS RÔLES POUR LES POUVOIRS PUBLICS ?
 

Léonard de Vinci clamait que l’art était « una cosa mentale », quelques artistes ont exploité à fond cette idée en considérant que l’art pouvait n’être qu’un concept, que l’essentiel en demeurait l’entendement. Fort logiquement, l’explication de la démarche et les mots ont pris le pas sur l’oeuvre, dont la réalisation matérielle ne s’avère même plus nécessaire.

Aucun écrivain, aucun poète, n’envisagerait sérieusement de remettre en cause les caractères de l’alphabet, au risque évident de vider de tout sens son écrit et de perdre ainsi son moyen de communiquer. Pourtant, dans le domaine des arts plastiques, après Dada et sa volonté de désacraliser l’oeuvre, des voies radicales ont sans doute atteint ce point contraire à la raison.
Ainsi, sans le repère du lieu, le Centre d’art par exemple, il serait parfois impossible, même pour les adeptes avertis du conceptuel, de discerner la création artistique de l’objet fortuit et banal, placé là par hasard.

Alors, après avoir étudié les intentions qui régissent l’avant-garde, à travers son propre réseau de reconnaissance et d’intérêt, il paraît judicieux d’approfondir, exemples à l’appui, le fonctionnement et le rôle des lieux publics qui constituent les pièces maîtresses du système en France.
Depuis plus de vingt ans maintenant, les pouvoirs publics, principalement par la création des Fonds Régionaux d’Art Contemporain et des Centres d’art, ont largement subventionné et favorisé les créations de type expérimentales et conceptuelles. A tel point, que tout artiste revendiquant « la peinture de chevalet » se trouve déconsidéré et relégué au rang de simple amateur pratiquant un loisir banal et vulgaire.

En littérature, même s'il reste préférable d'appartenir à certaines professions, il semble au moins que l’État n’intervienne pas dans le choix des oeuvres à éditer, à chacun de trouver sa place sur le marché, son éditeur, au risque de finir au pilon. Pour les Arts Plastiques, il n’en va pas ainsi. Le Ministère de la Culture, par la filière de ses conseillers (1) oriente les tendances sans soucis du marché, en encourageant notamment les manifestations « d’avant-garde » ou considérées comme telles, au détriment bien entendu de la peinture, surtout quand elle devient figurative. Cet état de fait révèle une attitude peu tolérante et injuste puisque la figuration revêt parfois aussi d’autres formes que les traditionnels « chromos » ou aquarelles à caractère populaire. Elle peut même, pourquoi pas, porter un concept.

Le débat n’est certes pas nouveau, l’académisme a un temps occulté l’impressionnisme naissant, mais le problème sur la question centrale de la pensée officielle, sorte de pensée unique en matière de création, existe bien toujours et l’histoire se répète. Les commissaires d’expositions dites « contemporaines » continueront sûrement encore à rejeter, sans même les connaître, les formes d’art n’entrant pas dans le cadre de leur modernité.

Dès lors, le plus simple et finalement le plus équitable serait sans doute pour les pouvoirs publics d’intervenir le moins possible dans le domaine des Arts.
A bien y réfléchir, les avantages paraissent l’emporter sur les inconvénients. Ainsi, au niveau des 23 Fonds Régionaux d’Art Contemporain, les économies réalisées par l’État et les régions seraient substantielles (2), les partis pris et les choix arbitraires évités et l’art, avec moins de commandes publiques, deviendrait davantage libre. Il serait alors en adéquation avec le marché, même s’il est concevable d’encourager ponctuellement et non pas systématiquement certaines formes de recherche difficilement compatibles, dans un premier temps, avec les contraintes commerciales.

 


1) Le Conseiller pour les Arts Plastiques est un agent du Ministère de la Culture. Placé sous l'autorité du Directeur Régional des Affaires Culturelles, il met en oeuvre la politique de l’État dans le domaine des Arts. En liaison avec la Délégation aux Arts Plastiques, il instruit les demandes de subventions, suit l'activité des Centres d'Art, des FRAC, et assure la promotion de ces structures. Les dossiers relatifs à l'enseignement des Arts et aux opérations de commandes publiques dépendent aussi de sa compétence.

2) La gestion du FRAC de Bourgogne a été examinée pour la période 1989-1993 par la Chambre Régionale des Comptes. Celle-ci révèle notamment des incompréhensions, des méfiances et des incertitudes réciproques chez ses membres. Une comptabilité imparfaitement tenue ainsi qu'une diffusion très confidentielle des oeuvres acquises. La Chambre va même jusqu'à s'interroger sur l'avenir du FRAC (Traces écrites - Mars 1995).
L'ex Centre d'Art Plastique Contemporain (CAPC) de Villeurbanne a également attiré l'attention de la Cour des Comptes. Son bilan artistique : 4 expositions par an, 15 à 18 entrées par jour, de maigres recettes... et 35 millions de subventions engloutis entre 1989 et 1994. Sur les 21 Centres d’art, un bon tiers se trouve dans une situation financière critique et ce, malgré les 40 MF accordés chaque année (Capital - Mars 96).

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