A PROPOS DES RÉSEAUX On
peut considérer l’institution des Salons, décidée par Colbert à la demande de
Louis XIV, comme étant l’élaboration d’un premier système permettant à la fois
la reconnaissance et la distribution des oeuvres d’art. A cette époque, l’admission
au Salon constitue bien entendu pour le jeune artiste un honneur, et les récompenses
décernées par son jury constituent des échelons indispensables pour envisager une
carrière officielle. Ce mode d’organisation utilise comme vecteur promotionnel quelques
galeries privées situées dans
de grandes capitales ayant comme débouchés naturels, un ensemble de musées à
vocation internationale. Pour résumer le fonctionnement de ce réseau international, on peut dire qu’un cercle étroit de galeries lui appartenant a comme cible principale le marché des institutions muséales. Ces dernières, afin de se rendre crédibles, doivent obligatoirement détenir une part des oeuvres représentatives de ce « goût » international, lui même distribué par les galeries du réseau. Cette valeur consensuelle déterminée par et à travers ce système induit donc une dépendance quasi incontournable de tous ses membres (2). En parallèle à cette organisation « noble », composée d’artistes reconnus, dont les oeuvres sont présentes dans les musées d’État, dans les Fonds Régionaux et aussi dans quelques riches collections privées, se développe un réseau à caractère commercial et innovant bien plus modeste, en marge de l’histoire de l’art et en conséquence absent des institutions officielles. Ce
second réseau repose en
partie sur la vente des oeuvres aux enchères publiques, notamment à travers les
études de province des Commissaires priseurs. Ici, la clientèle se démocratise
et se compose surtout d’acheteurs issus de la petite bourgeoisie locale mais
qui n’en sont pas moins fiers de posséder leur tableau, genre impressionniste, ou
leur lithographie signée Dali. Si le premier réseau souhaite bien la participation du public, ce dernier peut toutefois n’y souscrire que de manière platonique, son envie esthétique étant mise à l’écart, déjà par l’hermétisme des oeuvres, ensuite par des prix dissuasifs. Au contraire, dans le second réseau, l’amateur a la possibilité d’endosser le statut valorisant mais illusoire de collectionneur. L’art devient alors non plus une affaire d’influence comme précédemment, mais une affaire purement commerciale avec comme limite la loi du marché.
1) Cf. L'art contemporain. Anne Cauquelin -
PUF 1992. 2) Parmi les galeries du réseau on trouve en premier
lieu : Léo Castelli - New-York, Dan Weinberg - Los Angeles, Illeana Sonnabend,
Daniel Templon, Yvon Lambert - Paris, Paul Mayor - Londres, Paul Maenz -
Allemagne... 3) Outre le réseau des Commissaires priseurs, les peintures de type commercial sont
distribuées dans de petites galeries "magasins" et par des courtiers,
par exemple dans des établissements scolaires et auprès des professions libérales. Quelques revues comme Valeurs de
l'Art officialisent ce type d'oeuvres et quelques noms tels : Gouvrant,
Jouenne, Toffoli... |
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