LA PEINTURE ACADEMIQUE Dans les encyclopédies d'art et jusqu'après l'ouverture du Musée d'Orsay, les chapitres réservés à la peinture académique sont étrangement sous-représentés ou même carrément absents. Leurs auteurs, lorsqu'ils parlent de la seconde moitié du XIXème siècle, ne considèrent que l'art romantique et réaliste, Manet et les impressionnistes. Ceux qui, hier et de leur vivant, ont été reconnus et adulés ont purement et simplement été rayés des cadres de l'histoire de l'art. La
caractéristique de l'art académique réside à la fois dans le fini des éléments
peints très figuratifs et dans leur précision, cette conception se trouve à l'opposé de la théorie
moderne où tout tend à s'abstraire et à se suggérer avec une finition souvent
très secondaire. Cette conception est encore
associée par dérision à un simple artisanat habile, soi-disant signe d'un manque
de talent et d'originalité. Le
parallèle entre la situation des artistes officiels d'aujourd'hui, c'est-à-dire
les "conceptuels-minimalistes", avec ceux du Second Empire et de la Troisième République, les
"pompiers ou académiciens", est devenu incontestable et l'on peut parfaitement penser que cet
"art contemporain", à l'image de l'art académique, connaîtra lui aussi un inévitable discrédit. Au XIXème siècle, la culture générale, réservée au
faible pourcentage d'une classe d'âge qui possède le privilège de fréquenter les lycées, reste fondée
pour une part essentielle sur les "humanités", à savoir l'apprentissage des
langues anciennes, à travers lequel s'opère une imprégnation que l'historien
Ernest Lavisse, qui conçut les plus célèbres manuels scolaires de l'époque,
décrit en ces termes : "J'ai le sentiment d'avoir été élevé dans un milieu
noble, étranger et lointain. J'ai vécu à Athènes au temps de Périclès, à Rome au
temps d'Auguste..." Ce type d'apprentissage peut être rapproché à celui des
jeunes artistes étudiant les Beaux-Arts, cette fois-ci non pas en vue
du baccalauréat mais dans l'espoir d'obtenir un jour le Prix de Rome,
couronnement des études dans la discipline et gage d'une reconnaissance sociale. Cependant, parallèlement,
des artistes indépendants comme
les réalistes, les
impressionnistes, ou même certains dits "officiels", c'est-à-dire achetés par
l'Etat et exposant avec succès au Salon, prirent d'autres voies. Parmi ces voies, l'une d'entre
elles se confondant avec l'académisme, connut un large succès à la fin du règne de Louis-Philippe, sous Napoléon III et
la Troisième République, il s'agit de la mouvance dite éclectique. Les artistes qui plaisent alors
à la
noblesse, à la haute bourgeoisie, à
l'Etat, appartiennent surtout à cette tendance stylistique de l'éclectisme, nommé
aussi par la suite péjorativement : l'art pompier. Romains de la décadence, Thomas Couture, 1847
Avec
ses Romains de la décadence, Thomas Couture, représentant de l'éclectisme,
fait un triomphe au Salon de 1847. Il y reçoit la plus haute distinction,
une médaille de première classe. Cette oeuvre ambitieuse que Couture
a mis trois ans à terminer, s'approprie tous les critères de la
peinture d'histoire pour faire allusion à la société française décadente
de la bourgeoisie sous Louis-Philippe. Cette grandiose mise
en scène qui oppose passé vertueux et vices contemporains marque
aussi le point de départ chronologique des oeuvres du musée d'Orsay.
Caïn, Fernand Cormon 1880
Inspiré
d'un épisode tiré de la Bible, ce tableau aux dimensions monumentales
fut un grand succès du peintre "pompier" Cormon au
Salon de 1880. Il évoque les vers de Victor Hugo écrit en 1859 dans
La Légende des Siècles : "Lorsqu'avec ses enfants vêtus de
peaux de bête, échevelé, livide au milieu des tempêtes, Caïn se
fut enfui devant Jéhovah..."
Mercié montre, avec son David qui le rendit célèbre à l'âge de 27 ans, un exemple de la vogue durant la Troisième République pour la sculpture inspirée de la Renaissance florentine. Son jeune héros biblique se distingue par sa grande élégance et sa ligne serpentine. Il est représenté au moment où il remet son épée dans son fourreau après avoir tranché la tête du géant Goliath. Mercié reçut, pour cet envoi de Rome, une médaille de première classe et la légion d'honneur alors qu'il était encore pensionnaire à la Villa Médicis. (cf/ R.M.N.Orsay 96) 1)
source : Musée d'Orsay, Les Références à
l'Antiquité dans les arts
visuels (1848-1914)
LE DESSIN ACADEMIQUE De la Révolution aux années 1880 L'affrontement dessin linéaire
ou géométrique et dessin d'art devient très
sensible à partir des années 1860. De cet affrontement naîtra le dessin comme
discipline scolaire dans l'école populaire. Les enjeux de l'affrontement dessin
linéaire et dessin d'art sont théoriques :
rapport du dessin à l'art, à la science et à l'apprentissage professionnel, mais
aussi sociaux : à quelle fin le dessin ? Fin utilitaire pour former des
ouvriers, fin libérale permettant l'accès de tous à l'esthétique, fin purement
disciplinaire ? Et
pour qui cet enseignement ? Un arrêté de juin 1853 nomme alors une commission chargée de réorganiser
l'enseignement du dessin. Elle est composée d'artistes réputés : Delacroix,
Ingres, Messonier, Flandrin, et présidée par Ravaisson. La commission manifeste
son inquiétude face à l'hégémonie du dessin linéaire. Toutefois, si un nouveau
programme est mis en place pour le lycée, rien ne change dans les écoles
primaires et les écoles normales. Cf/ Alain Kerlan, La politique éducative des arts. |
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